L'enfant et la barricade


Que dire quand on voit un enfant privé du droit de jouer au prétexte qu’il est noir ? Que dire de l’abruti qui filme et qui ne fait rien d’autre que ça pensant son devoir accompli ? Que dire des abrutis qui passent et n’y prêtent aucune sorte d'attention ? Que dire des parents qui se taisent devant la méconduite des autres enfants sinon que plus que de ne pas les en dissuader, ils le leur ont inculqué. Quand on apprend à sept ans à peine que le droit de s’asseoir devra être conquis à coup de verbe ou à coups de poings, et que si le verbe nous manque parce que ces même parents et leurs amis tout aussi sinon plus malveillants à l’égard des « négros » ont fait l’éducation ou le prix de nos poings levés contre le ciel cachant ces oppresseurs est le sang de nos cœurs tiré par tous les trous de rafales et les coups de bâtons des chiens qui les protègent, alors rien ne changera pour le mieux. Ou peut-être si, de ceux dont on ne doit pas prononcer le nom de peur d’être taxé de racisme anti-blanc. Pendant ce temps, le poids du futur d’enfants comme tels pèse sur nos épaules frêles et l’on nous dit de prendre le temps, d’attendre patiemment, que demain sera beau si l’on se tait, si l'on sait arpenter les chemins sinueux de ceux qui nous dominent avec autant de vice et permettent aux incapables de lutter de supplanter les plus braves ou les éliminer. Ce qui revient au même car les enfants qu’on aimerait voir pour une fois dans leur sainte journée monter sur un fichu toboggan barré par des têtes blondes « comme une » devront en descendre ou en être éjecté. Et peut-être leurs mères payent-elles pour le maintien de ces installations ou pour que ces parents et leurs satanés mômes soient plus en santé, boivent le soir à leur belle fortune, le dos échiné contre moult machines qu’elles ne peuvent rêver de posséder mais qu’ils ont hérités de feu le premier connard trois quart qui nous a marché sur les pieds. Patienter et pardonner, comprendre et condamner mais sans trop s’évertuer, toujours avec modération. Juste de quoi maintenir ce statut quo débile qui n’a de bon que le fait qu’il me prend la bile. Patienter, pardonner et m’excuser aussi quand ma langue ou mon trait va trop vite et que l’horreur qui coule le long de ma poitrine souille de sa vomissure les thésards et les taiseux : tous ceux qui ne sont contre personne et ne servent à rien. J’aurais voulu qu’il ne faille pas avoir à le vivre dans sa chair pour en être aussi dégoûté et ne jamais vouloir le voir reperpétré. Mais encore je me trompe. Car les pires victimes de toutes les « der des der » dont on nous a farci la cervelle sont aussi contentes quand elles pèsent sur nous, sur elles-mêmes ou sur la société. Leur secret et, par extension, notre bêtise : faire tout en somme pour ne pas être les derniers. Je déclare aujourd’hui avec autant de gravité que le permet mon abattement que tout est fini et pour cet enfant et pour nous qui n’avons jamais eu le pouvoir de changer son état ou la configuration de la société. Alors comme c’est fini et que rien a marché, autant tout retenter quitte à tous en crever.

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